Qui est Fra Angelico ?

C'est Guido, un Toscan qui naît vers 1395 dans une région où bat un des pouls de l'Europe de l'époque, où Sienne et Florence sont des plaques commerciales et bancaires, où les artistes surfent sur le climat de prospérité, après les grandes épidémies de peste, et où l'Église et le monde artistique sont alliés.

C'est l'apprenti qui acquiert ses compétences artistiques auprès d'un atelier florentin. Qui se met à enluminer des grands livres de chœur, peut-être bien son premier contact avec le monde des religieux.

C'est un curieux qui entend parler de Raymond de Capoue et Catherine de Sienne, qui quelques décennies plus tôt ont lancé une réforme de l'Ordre de Prêcheurs qui avait perdu l'élan du temps de Saint Dominique, de Réginald d'Orléans, de Jourdain de Saxe.... Le jeune artiste se retrouve dans l'idéal de cette réforme et rejoint une fraternité laïque qui embrasse sa radicalité.

C'est l'homme de foi, qui veut aller plus loin et décide de lui consacrer sa vie. L'appel de Pierre 'Tu étais pécheur et je ferai de toi un pécheur d'hommes' résonnerait-il en lui : Tu es peintre et je ferai de toi un peintre au service de ma Parole pour que d'autres puissent me trouver ?

C'est donc le peintre-chercheur de Dieu qui choisit de faire profession dans la branche réformée des Dominicains, à Fiesole, sur les collines qui surplombent Florence.

C'est le devenu Jean de Fiesole qui comprend que l'image peut soutenir la foi et peut accompagner celui qui cherche Dieu. Incompris de l'évêque de son temps, Jean, avec les confrères de son couvent de l'observance, sont contraints à l'exil à Foligno et Cortone avant de revenir à Fiesole en 1418.

C'est le frère dominicain qui se lie d'amitié avec son confrère Antonin, qui au couvent florentin de San Marco devient son prieur avant de devenir archevêque de Florence.

C'est le plasticien ouvert qui sait accueillir de nouvelles évolutions dans la peinture, nées sur place à Florence ou venant de l'Europe du Nord, et sait faire la transition du style gothique qu'il a appris à ses débuts, vers un style renaissance, tout en adaptant les nouveautés au but qu'il s'est fixé et en ne cédant pas aux modes artistiques qui fleurissent autour de lui.

C'est l'artiste qui ne s'accroche pas à sa carrière d'artiste. Il devient prieur de sa communauté de San Marco à Florence. 'Service' résonne toujours en lui. Service au Christ, central dans son iconographie et qu'il aime représenter en compagnie de Saint Dominique. Service aux fils et filles de Dieu en leur offrant un support pour leur quête de Dieu. Service à sa communauté en assumant des responsabilités conventuelles.

C'est le prêcheur qui n'a sans doute pas reçu le don de l'éloquence, mais qui a exprimé ce qu'il voulait dire en utilisant le talent que Dieu lui avait confié. Il se fait serviteur de la Parole de Dieu à sa manière.

C'est un dominicain pour qui la prière est au cœur de sa vie et au cœur de son travail. Son travail est prière. Dans son travail, il raconte la prière qui est lien entre Christ et l'homme. Pour cela il ne se perd pas dans des anecdotes mais peint ce qui renvoie à l'essentiel.

C'est l'enseignant qui laisse entrevoir la beauté de Dieu, le message du Prince de la Paix à ceux qui contemplent ses œuvres. Par son travail, il veut rendre Dieu accessible, initier ou entretenir une amitié avec Lui.

C'est le fidèle adepte de la réforme dominicaine de son époque, qui ne peindra jamais un sujet profane et dont les relations, au moins artistiques, avec les frères des autres communautés dominicaines qui ne se sont pas engagés dans la réforme n'ont pas laissé de traces.

C'est le peintre des anges célestes qui garde les pieds sur terre, qui ne s'enferme pas dans sa tour d'ivoire, qui assure les rentrées financières de son couvent grâce aux commandes à son atelier.

C'est le chef d'atelier qui sait travailler avec d'autres artistes, leur enseigne son expertise de la fresque et de la peinture sur bois et qui leur confie des tâches importantes. C'est tout un groupe de peintres, dominicains et laïcs, qui s'attèle à la tâche de doter chaque cellule du couvent San Marco d'une fresque.

C'est l'artiste qui sait enthousiasmer, inspirer d'autres et susciter des vocations d'artistes, même des générations plus tard : fra Bartolomeo, fra Paolino, sœur Plautilla Nelli et d'autres, tous membres de la famille dominicaine, qui, pendant les XVe et XVIe siècles se relaient pour accompagner des quêtes de Dieu par l'art.

C'est le beato qui ne cesse d'émerveiller ceux qui contemplent ses œuvres six cents ans après sa mort.

C'est le peintre que le pape Jean-Paul II propose aux plasticiens comme patron et intercesseur, afin qu'ils puissent s'en inspirer dans leur expression artistique et dans toute leur vie.


Alain Arnould o.p.